Le «projet panislamique» du Président Erdoğan est incompatible avec l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, selon Emmanuel Macron qui appelle à «sortir de l’hypocrisie». L’heure de vérité a donc sonné. Mais comment comprendre ce qui se passe vraiment en Turquie? Puissance de l’islam politique, bras de fer avec l’armée, irrédentisme kurde, contradictions européennes, fantôme arménien, nationalisme exacerbé, guerre en Irak et en Syrie, afflux de réfugiés, complaisances avec Daech: d’Istanbul à Diyarbakir, les histoires singulières qu’Ariane Bonzon nous rapporte dessinent les contours du basculement turc. Il y a bien sûr le rôle crucial joué par Recep Tayyip Erdoğan. Mais au fil des pages, apparaissent d’autres personnalités de premier plan: Hrant Dink, journaliste arménien, assassiné par un jeune ultra-nationaliste turc en 2009; Selahattin Demirtaş, l’opposant, candidat kurde aux présidentielles de 2018 menant campagne de la cellule de sa prison; Fetullah Gülen, l’ancien allié islamiste, accusé d’avoir fomenté la tentative de coup d’État militaire du 15 juillet 2016; Ahmet Altan, l’écrivain-journaliste, l’une des victimes de la gigantesque purge contre les opposants au régime, condamné à la détention à perpétuité… L’auteur souligne aussi l’impact que la dérive autoritaire du Président Erdoğan pourrait avoir en France. Par ses relais au sein de l’islam de France, ainsi que dans la vie politique, avec l’irruption de listes majoritairement turques lors des municipales de 2014 et des législatives de 2017 et enfin, par l’écho que rencontre sa parole dans nos cités, auprès de certains Franco-Maghrébins aux yeux desquels, sur Israël, l’islamophobie et le passé colonial français, Erdoğan parle «juste». Ce qui se passe en Turquie nous concerne, plus encore que nous ne le croyons.